
ELISA ROUTA

Après Taylor Steele, ce 2ème Focus est dédié à Elisa Routa.
Elisa est une écrivaine, journaliste et photographe française.
Après des études en Angleterre, elle vit aujourd'hui à Anglet où elle a créé une agence pluridisciplinaire: Relief Agency.
Elle a été rédactrice en chef de Panthalassa et de Swenson Magazine, rédactrice pour Conde Nast International (Vogue), freelancer et pigiste pour un grand nombre de magazines et aujourd'hui, elle est rédactrice en chef de Warm Journal, un espace collaboratif valorisant la voix féminine dans la beach culture.
Impossible cependant de se rappeler du 1er article que l’on a lu d’elle, mais quelle écriture !
Peut-être était-ce dans un Surf Session, Surfer’s Journal, ou Beach Brother.
En tout cas, un article signé par Elisa reste une priorité de lecture, en attendant son 1er livre.
(lnterview réalisée en juillet 2020)

- Salut Elisa,
qu'est-ce que la Surf Culture pour toi ?
"La Surf Culture est le témoignage physique et spirituel d’un mode de vie qui existe depuis des siècles.
De part son esthétique photogénique, le surf a été, est reste encore, l’un des univers les plus documentés, visuellement.
Nous avons aujourd’hui des peintures qui retracent jusqu’aux premières ébauches de l'origine du surf à Hawaii, des photos qui datent des années 1960 et 1970 et des films tournés en Super 8.
La représentation visuelle du surf est débordante, et constitue un vrai trésor pour la compréhension de la culture surf.
On en fait aujourd’hui des livres, on en noircit des pages, on en réalise des documentaires, on organise des émissions radios, on met sur pieds des nouveaux films…
La culture surf ne cesse d’inspirer grâce à la notion de fantasme qu’elle véhicule.
Et aujourd’hui, pour moi, la culture surf est ce mélange entre rêve et réalité, entre utopie et certitude.
En tant que surfeurs, nous sommes très attachés aux origines du surf, à son histoire, son évolution, ses acteurs principaux, ses anecdotes et ses preuves en images.
On se réfère à toutes ces archives comme à un véritable gourou, comme si on avait besoin de se rattacher à un passé glorieux, où le plaisir de la glisse était, du moins on aime à l’espérer, plus pur, plus intense, plus authentique dit-on.
A l’image du single fin sans leash ou du surfmat, on tente par tous les moyens de revenir à l’essentiel.
Loin de la notion de « pratique sportive », on célèbre des sensations plutôt que des manœuvres, on raconte des sessions comme des voyages, et des vagues comme des aventures.
A mon sens, la Surf Culture relève davantage de l’émotion qu’elle provoque plutôt que d’une simple discipline."

- Quels sont tes 3 meilleurs films de surf ?
"CRYSTAL VOYAGER (1973)
L’incontournable film sur le surfmat.
On y comprend l’authenticité et l’humilité de la discipline, son aspect underground, et on découvre le surfmat comme l’un des premiers engins de glisse moderne.
On perçoit aussi "la magie intemporelle", comme dirait Clovis Donizetti, et le style de George Greenough."
Et aujourd’hui, pour moi,
la culture surf est ce mélange entre rêve et réalité,
entre utopie et certitude.
"BIARRITZ SURF GANG (2017)
Une véritable pépite dont les archives et le travail de recherches réalisé par Pierre Denoyel et Nathan Curren sont tout simplement impressionnants.
L’esthétique du film est barjo, puis l’histoire évidemment.
Grâce à ce film, on découvre une partie de l’histoire du surf de la Grande Plage à Biarritz dans les années 80s et 90s, sa communauté de surfeurs déjantés, ses personnages, ses dérives, ses excès, ses habitudes, et ses codes aussi.
Ces images sont précieuses dans la capacité à faire le portrait de toute une époque.
Pour moi, ce film prouve encore une fois que documenter son époque - en photos, en films ou via les mots - est important non seulement pour l’analyser des années après, mais aussi et surtout pour mieux la comprendre.
A voir."
"SELF DISCOVERY FOR SOCIAL SURVIVAL (2019)
L’aspect expérimental de ce film est unique.
Sa bande-son est dingue.
C’est une création collective, un peu barrée, qui réunit 16 surfeurs et surfeuses et 8 musiciens dont Stephanie Gilmore, les Allah-Las et Connan Mockasin.
L’expérience a été tournée lors d’un trip au Mexique, aux Maldives et en Islande et a donné vie à un film et un album."
- A quel moment tu as réalisé ce qu’était vraiment le surf?
"La culture surf est si vaste, si diverse, qu’on a rarement une vision claire de ce qu’elle représente globalement.
Elle évolue suivant chaque pays, chaque région, voire chaque spot, donc ça semble complexe de la définir.
La plupart du temps, tu commences le surf avec des rêves pleins la tête, des envies, des papillons dans le ventre, des illusions parfois.
Le plus dur, c’est de s’y tenir, de s’accrocher à la vision idéalisée du monde que tu as longtemps fantasmé.
Bien souvent, et assez rapidement d’ailleurs, la réalité te rattrape.
Après le confinement, j’avais la sensation qu’on était tous unis par un sentiment commun de manque.
Incapables de surfer pendant des semaines, on était nombreux à partager une véritable frustration.
Je me disais donc naïvement qu’une fois à l’eau, on serait tous plus accueillants les uns envers les autres.
J’imaginais bêtement qu’en ayant vécu l’expérience commune de la privation, on serait tous heureux de se revoir.
Bon… je vais te spoiler la fin de l’histoire mais les cordialités n’ont pas duré longtemps.
Donc pour répondre à ta question, et au risque de paraitre pessimiste voire acerbe, ça fait quelques années déjà que j’ai mis fin à la vision idéalisée du monde du surf que j’avais longtemps fantasmée.
Mais je vais très bien, et j’ai encore des rêves."

- Quels sont tes icônes surf ?
"Le terme « icônes » me gêne un peu car, à mon sens, la starification quelle qu’elle soit peut vite devenir néfaste, voire encombrante, pour celui qui l’endosse.
En revanche, en terme de style, je suis invariablement scotchée quand je vois Leah Dawson surfer.
Elle a un flow inimitable et un style unique.
C’est aussi une personne incroyable sur le plan spirituel, elle a une âme bienveillante que j’ai la chance de connaître.
Depuis que je suis ado, j’aime aussi beaucoup Dave Rastovish, non seulement pour son style sur une planche mais sa vision sobre de la vie et son engagement écologique.
Puis, évidemment Linda Benson pour ce qu’elle représente dans la grande histoire du surf.
L’hiver dernier, j’ai eu la chance de voir certains clichés de Linda Benson pris à l’époque par LeRoy Grannis, exposés lors de l’expo "Cult to Culture" au Long Beach Museum of Art.
C’est dingue d’observer autant de talent, de prestance, d’assurance et de fierté sans arrogance déjà en 1968.
Quand on voit Linda Benson sur une photo de John Severson se tenir droite à côté de sa colossale planche shapée par Donald Takayama, c’est hyper inspirant, même 50 ans après.
Son statut de pionnière est éternel, et en ça elle incarne les prémices d’une évolution de pensée un peu flétrie qui parfois régit les codes du monde du surf.
A tout changement, il y a un début et Linda Benson symbolise sans doute, et sans préméditation, une amorce du changement des mentalités dans le monde du surf."
Loin de la notion de « pratique sportive »,
on célèbre des sensations plutôt que des manœuvres,
on raconte des sessions comme des voyages, et des vagues comme des aventures.
- Quels sont tes meilleurs morceaux pour aller à l’eau ?
"Ça dépend des périodes mais en ce moment, en mode été, je dirais :
MARTHA AND THE MUFFINS - Echo Beach
DOPE LEMON - Home soon
LOS BITCHOS - Frozen Margarita
BANANAGUN- Out of Reach
- Quels sont tes meilleurs morceaux d’après surf ?
SKINSHAPE - Don't call my name
FRENCH 79 - Sailing
THE WHOLE OF THE MOON - Waterboys
GUS DAPPERTON - Coax and botany"
- Une action pour la planète ?
"Une seule action ?
Dur.
Le pollution plastique étant l’un des problèmes majeurs de notre époque, je dirais d’essayer au maximum de ne pas consommer du plastique.
C’est un geste simple mais qui, au final, fait toute la différence sur notre environnement.
Recycler, c’est bien mais arriver à consommer sans déchet, c’est top.
Les micro-plastiques se retrouvent inévitablement dans l’océan donc autant refuser, autant que possible, son utilisation.
De mon côté, outre le fait que je passe pas mal de temps dans l’océan, je cultive mon potager, avec légumes et herbes aromatiques,
et ça renforce au quotidien mes convictions environnementales et ma volonté de réduire au maximum l’impact sur les écosystèmes qui m’entourent."
- Une photo de surf ?
"C’est une photo prise lors d’une session à San Onofre en mars 2019.
Bien que ce soit l’un des spots les plus mythiques de Californie, ce jour-là, tout était fermé.
Aucun pick-up rempli de boards, aucun van, aucun camion farfelu ne stationnait sur le célèbre parking de sable face au spot.
Le spot était entièrement vide.
C’est aussi rare que précieux.
On a dû se garer plus haut, descendre à pieds et on s’est mises à l’eau avec ma pote Séréna Lutton.
Les vagues étaient pas folles, mais depuis l’eau, la vision du spot habituellement blindé devenu temporairement plage désertée, était dingue."

- Warm Collective et Agence Relief ?
"WARM est un projet initié par mon amie Séréna Lutton, photographe, directrice artistique et graphiste.
C’est une plateforme - qui réunit collectif, journal et agence - lancée en début d’année 2020 et destinée à promouvoir la voix des femmes dans le culture liée à l’océan.
Nous sommes un collectif de journalistes, écrivains, photographes, graphistes, environnementalistes et réalisateurs unis par notre amour pour l’océan.
A travers des histoires, des portraits et des interviews publiés sur le journal dont je suis heureuse d’être en charge, nous souhaitons diffuser un message d’égalité, d’inclusion, de diversité et de liberté d’expression, hors des dictats imposés par certains médias surf qui obligent, encore aujourd’hui, les femmes à siéger perpétuellement en tant que spectatrices d’un monde, dans le coin de la pièce.
WARM donne la parole aux surfeuses, environnementalistes, activistes, artistes, artisans, photographes de tous bords et de toutes origines, ainsi qu’aux fondatrices de marques éthiques qui proposent une approche responsable et consciente.
Comme l’écrivait Audre Lorde, féministe, noire, lesbienne, poétesse et guerrière, il nous faut "transformer le silence en langage et en action" car nous sommes convaincues que la parole exprimée est une révolte qui gronde et qui peut changer les choses, notamment en terme de justice sociale et environnementale.
L’agence RELIEF est une agence de création de contenu spécialisée dans le domaine de l’outdoor que nous avons co-fondée avec mon ami Jérémie Barlog, graphiste et directeur créatif.
Nous souhaitons avant tout retranscrire des histoires authentiques essentiellement guidées par la passion et une sensibilité tournée vers l’outdoor.
Depuis sa création en 2017, nous avons collaboré avec de nombreuses marques, des entreprises aux valeurs environnementales et pas mal de médias.
Nous avons aussi accompagné des explorateurs tels que l’aventurer français Matthieu Tordeur dans son aventure en autonomie totale et sans assistance en Antarctique, ainsi que le navigateur français Benjamin Ferré à travers sa transatlantique en solitaire.
Nous avons une chance inouïe de travailler avec un réseau mondial et inestimable d’experts créatifs issus de l’univers du design, de l’art, de la photographie, de la vidéo, des médias et de la culture surf et outdoor."
Et puis, je rêve de pouvoir écrire davantage,
de me lever et de n’avoir à faire que ça.
- Qu'est-ce qui te fait rêver en ce moment ?
"Oh. Je rêve tout le temps.
Alors sans ordre particulier…
Les sessions hold-up au petit matin au Pays-basque avant que la foule estivale ne débarque sur les plages.
Le mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis qui fait entendre sa voix et rassemble de plus en plus de monde.
L’album « Sleep » de Max Richter.
Les poèmes de Richard Brautigan (« Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus »).
Les escapades en van dans les Landes, les sauts dans les rivières et les siestes dans des champs de fougères.
La perspective d’un trip à vélo en Septembre prochain, on prévoit de partir de Royan pour rejoindre Sète avec le strict minimum dans les sacoches:
Et puis, je rêve de pouvoir écrire davantage, de me lever et de n’avoir à faire que ça.
Je rêve de concrétiser un projet de livre, un recueil de chroniques débuté pendant le confinement."
"2020 a été aussi fou qu’on le prédisait.
J’ai bel et bien parcouru près de 800 bornes à vélo en septembre, une véritable échappée sensorielle.
Et puis... j’ai finalement écrit un livre paru aux éditions Tellement en novembre dernier.
On verra si 2021 est aussi fou qu’on le dit."
Merci Elisa
Puisque "nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité", ce recueil n’a d’autre intention que de raconter avec beaucoup d'humilité et de poésie, la petite histoire dans la grande histoire ainsi que les maux commun qui nous touchent, universellement.
La nature et l'océan sont, comme dans chacun de mes projets, au cœur des textes et ce sur quoi je pose régulièrement mon regard."
Il est disponible ici :

Contributions magazines:
Lomography (FR/US)
Svn Space (US)
West is the Best (FR)
Herewith Magazine (US)
Vogue (US/UK)
Beach Brother (FR)
A Camp Idea (FR/US)
Surf Session Magazine (FR)
Surfer’s Journal (FR/US)
Les Others (FR)
Swenson Magazine (FR)
Paper Sea Quaterly (AUS)
Eldorado Experience (SP)
Huck Magazine (UK)
The Rolling Home (UK)
Revue Bouts du Monde (FR)
Wax Magazine (US)
Domestico (CHILE/CAN)
Desillusion Magazine (FR)
Street and More Magazine (GER)
Surf Collective NYC (US)
Atwood Magazine (US)
Lamono (SP)
Crumb Magazine (FR)
Knock Magazine (JP)
Surfeuses Magazine (FR)
Cooler Magazine (UK)
Eterea Magazine (SP)
Golden Ride Magazine (GER)