MATT TAYLOR

COMRADE

Avec un certain retard – car cet article aurait dû être en ligne il y a plus de 6 mois – nous vous proposons un nouveau focus pour clore 2024 en beauté.

Nous espérons que cette année vous a permis de prendre quelques belles vagues et, de participer à l’une de nos SURF NIGHTS !

 

Aujourd'hui, nous vous parlons de Matt Taylor, musicien américain et cofondateur du groupe né au début des années 2000: The Growlers.

Principal compositeur et l’un des deux guitaristes de cette formation californienne originaire de Dana Point, il a su imprimer sa marque au son unique du groupe, un mélange subtil de garage et de surf rock pop.

The Growlers a ainsi sillonné les routes du monde entier, a fondé son propre festival, le Beach Goth, et a sorti pas moins de 9 albums.

On vous conseille les excellents "Chinese Fountain", "Hot Tropics" et "Gilded Pleasures".

Nous nous souvenons encore de la rencontre avec Matt lors de leur concert à l'Iboat de Bordeaux, en 2015, où nous avions eu le plaisir d'organiser la projection de Palmera Express, en ouverture du show.

Un film de surf produit par la marque Vissla, pour lequel Matt avait composé la bande-originale.

 

En 2020, Matt décide de s’éloigner du groupe pour entamer une nouvelle aventure musicale.

L'année dernière, il a sorti son premier album solo sous le nom de YASAWA GROUP.

Intitulé "Enter the Chrysalis", cet album se compose de 19 titres d'une pure énergie pop-surf-rock, à la fois envoûtants et irrésistibles.

Passionné de surf depuis de nombreuses années, Matt partage ses sessions avec des amis surfeurs comme Alex Knost et les membres du groupe Allah-Las.

 

Bonne lecture, laissez-vous envoûter par sa musique, et si l'album vous séduit, n’hésitez pas à vous offrir la version vinyle.

À l'année prochaine ♥.

- Salut Matt,

D'où viens-tu et où vis-tu aujourd'hui ?

 

« Je suis originaire de Californie, de sud d'Orange County.

J'ai grandi à Dana Point.

Aujourd'hui, je vis dans une petite ville agricole appelée Ojai, à environ 20 minutes de la côte de Ventura, au pied d'une montagne. »

- Quand as-tu commencé à jouer d'un instrument et à écrire des chansons ?

 

« J'ai commencé à faire de la musique tardivement, même si j'ai toujours aimé ça.

Durant mon adolescence, la musique était au cœur de ma vie.

J'écoutais du hardcore et du punk et j'allais à des concerts.

C'était tout pour moi.

 

Puis j'ai commencé à fumer de l'herbe et à écouter du reggae des sixties, The Doors et The Velvet Underground,...

J'avais environ 19 ans lorsque j'ai pris la guitare de mon père, qui traînait dans un coin de sa chambre et qui n'avait pas été touchée depuis un moment.

J'ai commencé les Growlers environ un an plus tard, sans savoir jouer autre chose que quelques accords.

Je pense que c'est ce qui a fait la magie du groupe.   »

Je préfère ceux qui ont du flow et du style et qui ont tracé leur propre voie dans l'industrie.   »

- Où et comment as-tu commencé le surf ?

 

« Lorsque j'étais enfant, mon frère était un excellent longboarder.

Il participait aux compétitions du Doheny Longboard Club.

Mon père faisait également partie du club.

Il a essayé de m'apprendre lorsque j'avais 8 ans, mais je n'ai pas accroché, car mon père n'a jamais eu la patience pour rester assis à mes côtés.

Mon frère et lui me donnaient quelques conseils, puis se barraient, haha...

 

Ce n'est qu'à l'âge de 18 ou 19 ans que j'ai repris le surf.

Je surfais surtout à Strands Point, San Onofre et Salt Creek, mais c'est à Doheny que j'ai acquis mes premières bases. »

- Quels sont les groupes que tu écoutais plus jeune et qu'est-ce qui t'a donné envie de monter un groupe ?

 

« J'écoutais beaucoup de punk / hardcore local quand j'étais pré-adolescent et jeune ado.

Comme Gorilla Biscuits, Unbroken, Vision of Disorder, Earth Crisis.

Ensuite, je me suis mis au rock classique genre les Doors, les Stones, les Beatles,...

Cela m'a mené au Velvet Underground, à Iggy Pop, aux Clash, à Richard Hell.

Mais les groupes qui m'ont le plus inspiré à l'époque des Growlers étaient The Coral (premier album, Magic and Medicine, Night Freak and the Sons of Becker, Invisible Invasion), The Ventures, T. rex ou Marc Bolan.

Egalement Devendra Banhart (Rejoicing in the Hands, Cripple Crow), The Congos, Lee Scratch Perry, Captain Beefheart & his Magic Band (Safe as milk) et The Grand Elegance qui est l'ancien groupe de Kyle Mullarky et de Warren Thomas.

 

Kyle a été un peu le cinquième Beatle des Growlers et Warren a été notre joueur de bongo pendant un moment, avant de créer The Abigails avec Kyle.

Lorsque j'ai commencé à jouer de la guitare, je ne voulais pas apprendre les chansons des autres, je voulais faire les miennes.

Je pense que le fait d'être entouré d'amis musiciens m'a poussé à monter un groupe.

En vérité, c'est vraiment fun.

Surtout quand tu commences.

Les Growlers se sont formés parce que l'un de nos potes organisait un barbecue et voulait un groupe pour jouer.

Alors on en a monté un.

On a formé ce groupe, puis on a continué.»

- Pourquoi as-tu décidé de créer YASAWA GROUP ?

 

«Je pense que j'ai voulu créer Yasawa Group depuis que j'ai commencé à jouer de la musique.

Par Yasawa Group, j'entends par là un projet solo.

Je n'ai jamais eu le temps de m'engager dans autre chose que les Growlers.

Au début, nous pouvions tous nous pointer avec une idée de chanson et improviser, mais c'est devenu très rapidement Brooks et moi qui faisions le gros du travail d'écriture.

J'utilisais une pédale loop ou un 6 pistes numérique merdique, j'écrivais toutes les parties, je faisais une piste de batterie avec une caisse claire, une boîte à rythmes ou parfois avec la bouche, puis je passais le tout à Brooks pour qu'il chante et qu'il écrive les paroles.

Chaque fois que je faisais une chanson, j'avais une mélodie en tête et j'y ajoutais des claviers ou de la guitare.

 

Je faisais entre 30 et 60 démos pour chaque album, puis on répétait, on enregistrait, on répétait, on partait en tournée.

Il n'y avait quasiment aucun moment pour une vie personnelle.

Les concerts devenaient des moments où l'on traînait entre amis ou avec notre copine.

J'ai voulu conserver tout ce que j'avais écrit pour les Growlers.

Ce n'est qu'après le Covid et le hiatus du groupe, que j'ai eu le temps de me concentrer sur Yasawa Group et de le former.

J'ai commencé par écouter les vieilles démos que j'avais et je me suis dit qu'il fallait que je les termine. »

- Les 19 titres de l'album ont été composés en combien de temps ?

 

« J'en avais une bonne partie depuis des années et les autres ont été écrites en l'espace de deux ans.

Mais je dirais plutôt qu'ils ont tous été écrits en l'espace de deux ans.

Je dis ça parce que parfois on a une idée, une mélodie, une ligne de basse, une progression d'accords, mais ce n'est jamais vraiment fini tant que l'on n'a pas réussi à finaliser toutes les parties.

Certains titres de « Enter The Chrysalis » sont des morceaux que j'ai écrit pour The Growlers mais qui n'ont jamais été chantés ou utilisés.

J'ai senti qu'ils devaient être achevés.

J'étais convaincu que c'étaient de bonnes chansons, qu'elles n'avaient jamais eu leur chance ou que l'approche utilisée n'avait pas été la bonne.

Il fallait que j'en déterre certaines et que je les fasse briller.

 

Cela dit, la partie la plus difficile a été de revisiter les parties musicales que j'avais écrites auparavant et de les aborder en tant que compositeur et chanteur.

Lorsque j'ai écrit les mélodies vocales, les paroles et que j'ai chanté dessus, elles ont eu une nouvelle vie.

Une vie qui est celle de Yasawa Group et plus celle des Growlers.

Et d'ailleurs l'une des chansons, « Mountains », a été écrite en 2010 pour mon éphémère projet solo, qui s'appelait alors « Matt Israeli cool and his experimental rugs » ...

J'ai senti que cette chanson avait besoin d'un nouveau souffle.   »

- Comment composes-tu ?

 

« Je commence généralement par une mélodie vocale et un peu de charabia lyrique.

Ensuite, je convertis cette mélodie en une ligne de basse, ou bien je joue des accords et j'ajoute un rythme.

Parfois, je commence à la guitare acoustique, je chante et je construis à partir de là.

Lorsque tout cela devient ennuyeux, j'essaie de commencer par un rythme.

Je choisis le tempo en fonction de l'énergie du morceau que je veux créer.

 

J'ai toujours aimé enregistrer plutôt que d'improviser, cela me permet de réfléchir à autre chose qu'en mode free.

Cela permet de trouver quelque chose d'unique.

Pourtant, je pense que le meilleur aspect de l'improvisation est le feeling avec d'autres musiciens.

On devrait plutôt parler de « fusion » d'ailleurs non ?

Je ne produis pas un morceau aussi bien que lorsque je prends le temps de m'amuser et de réfléchir, à la façon dont je veux vraiment que le morceau sonne. »

- As-tu prévu des concerts avec YASAWA GROUP ?

 

« Je suis en train de planifier quelques concerts.

Ils n'auront pas lieu avant mars ou avril 2024. (nb: l'échange a eu lieu en janvier 2024)

Je dois encore trouver quelques musiciens et former le groupe de scène.

C'est un projet nouveau et je tiens à donner aux gens le temps nécessaire pour digérer ma musique.

Je veux que le public soit enthousiaste lorsqu'il verra Yasawa Group.

Je veux que les gens chantent et qu'ils s'amusent.

Je ne veux pas qu'ils se demandent si je vais jouer une chanson des Growlers. 

 

J'ai pris mon temps.

J'ai tout joué sur cet album, à part la batterie et les percussions.

Donc personne n'a jamais joué ces chansons à part moi.

On part de zéro.

Je ne sais pas encore qui fera partie du groupe.

Les gens n'arrêtent pas de me proposer de jouer de la batterie ou de la basse.

Ce sont généralement les postes les plus difficiles à pourvoir et, étonnamment, les guitaristes à la pelle ont disparu sur ce coup. »

- Si tu dois dresser un bilan de vos albums, de vos tournées et de ta vie avec THE GROWLERS, quel est-il ? 

 

« Dépensez beaucoup, vendez peu !

Non en fait j'ai l'impression que l'on a récolté tout ce que l'on a investi, et j'y ai vraiment consacré toute ma vie.

En retour, j'ai rencontré tellement de gens formidables, je suis allé dans tellement d'endroits incroyables et en repensant à toute la musique que nous avons faite jusqu'à aujourd'hui, je peux en être fier. »

- Peux-tu expliquer pourquoi tu as quitté THE GROWLERS ?

 

« En fait, je n'ai jamais quitté le groupe, c'est une idée fausse.

Lorsque le groupe a été touché par des allégations anonymes en ligne en 2020, nous avons tous été dévastés.

J'ai immédiatement nié les accusations portées contre moi et j'ai consulté un avocat pour savoir ce que je pouvais faire pour trouver la personne responsable du message anonyme et pour rétablir la vérité à mon sujet. 

En réalité, rien n'a été possible, à moins d'avoir eu beaucoup d'argent pour engager des poursuites.

Dans le même temps, j'ai accepté que des amis me poussent à prendre un « congé temporaire » du groupe, parce qu'ils pensaient que cela aiderait à calmer la tempête à laquelle le groupe entier était confronté.

En fait, cela n'a fait que donner aux gens la fausse impression qu'il y avait une part de vérité dans ces affirmations. 

Comme il est question ici d'un magazine de surf, je décrirai la situation comme ceci:

Je me suis fait enfermer comme dans une vague qui ferme. »

 « Là où je vis, il n'y a que des points breaks en droites.

- Quelle est ta Culture Surf, ton spot préféré et tes planches de tous les jours ?

 

 « Là où je vis, il n'y a que des points breaks en droites.

Je suis goofy et j'aime les gauches donc je préfère aller sur les beach breaks avec des pics.

J'ai l'habitude d'aller à Emma Wood et de surfer un gros V stoker à papa shapé par Fowler.

 

Le surf n'est pas souvent gros là où j'habite, donc je me contente souvent de surfer un Gato Heroi de 8'6.

Je sors aussi assez souvent un bonzer Brown Microwave Television.

Je pense qu'on peut deviner dans quelle sphère de la culture surf je me situe grâce à mes planches.

Je suis plutôt relax.»

J'ai vraiment apprécié de croiser La Femme à Biarritz et de surfer sur la Côte des Basques

- Quels sont les surfeurs que tu admires le plus ?

 

« Mes surfeurs préférés sont Justin Adams, Tom Curren, Gerry Lopez, Occy, Dane Reynolds, Ari Brown, Ozzy Wright.

Alex Knost et Jared Mel sont aussi très bons.

J'admire ceux qui choisissent d'être eux-mêmes et qui ont des comportements autres que de surfer comme si c'était un sport olympique.

Je préfère ceux qui ont du flow et du style et qui ont tracé leur propre voie dans l'industrie. »

- Aimerais-tu composer des bandes originales de films de surf, comme tu l'as fait pour PALMERA EXPRESS ?

 

« J'adorerais le refaire!

Composer la musique de n'importe quoi est très amusant parce qu'on peut s'affranchir de tous les aspects et de toutes les attentes liés à la sortie d'un album en tant que groupe.

Lorsque je sors de la musique pour un disque, je suis très attentif à l'esthétique et à la tournure que prend la musique.

C'est presque comme une extension de vous-même, les gens jugent qui vous êtes par la musique que vous faites, ce qui vous pousse à vouloir faire le meilleur de vous-même.

 

Mais lorsque vous faites de la musique pour illustrer l'art de quelqu'un d'autre, c'est tellement plus simple de se plier aux demandes ou d'expérimenter.

Palmera Express a été réalisé et filmé par mon très talentueux ami Edgar Obrand.

Il m'a envoyé quelques morceaux dont il voulait que mes morceaux s'inspirent.

Un titre en particulier était une chanson afro beat des années 70.

Je m'inspire rarement de chansons d'autres personnes pour créer les miennes.

Cela semble contre-intuitif par rapport à l'idée de composer de la musique et cela ne sonne jamais comme l'original, mais c'est vraiment amusant.

C'est précisément ce qu'il s'est passé avec le titre Inspo qu'Edgar m'a envoyé.

C'est devenu une chanson funky et puissante, une chanson que je n'aurais jamais faite seul.

Au moment où nous voulions refaire un album, nous étions en train de trier mes démos lorsque nous sommes tombés sur cette chanson pour Palmera Express.

Brooks l'a adorée, alors nous l'avons essayée.

Après quelques ajustements et avec l'aide de Julian Casablancas, elle est devenue « I'll be around » sur « City Club ».

J'ai également fait quelques autres trucs pour mon ami George Trimm. »

- Quels sont tes meilleurs films de surf ?

 

"ENDLESS SUMMER

MORNING OF THE EARTH

SEARCHING FOR TOM CURREN

FORBIDDEN TRIM

J'aime aussi les films de Jack Coleman."

- Peux-tu citer 5 morceaux surf que tu aimes et 5 autres que tu écoutes en ce moment ?

 

« Avec le surf hmmm.... :

The Lively Ones - "Surfrider"

The Sandals - Theme from The Endless Summer

White Fence - "Get that heart"

Link Wray - "Rumble"

The Surfaris - "Wipeout"

Ou tout ce que Tekeshi Terauchi a écrit

 

En ce moment :

Richard Hell - "I'm your man"

David Reilly - "Surge"

Les Tres Reyes - "Odiame"

The Gizmos - "Bible Belt baby"

Dizzy K - "Sweet Music". »

- Quelles sont tes actions pour la planète ?

 

« Rien que de penser à cette question, je me sens coupable.

Je suppose que toute action que je fais est minime par rapport à ce que je cause, mais je m'y mets.

Je ramasse les déchets sur la plage quand j'en vois.  

Je ferme l'eau lorsque je n'en ai pas besoin pour me brosser les dents, me raser ou faire la vaisselle.

J'utilise des sacs réutilisables lorsque je fais mes courses.

Je conduis une voiture hybride.

J'achète la plupart de mes produits sur les marchés locaux.

95 % des vêtements que je porte ont été achetés au rabais ou d'occasion.

 

Tu vois que j'ai l'air coupable.

Tout cela n'est pas grand-chose.

Je viens de regarder le documentaire « The Cove » et il m'a brisé le cœur.

J'aimerais participer activement à la protection de la faune et de la flore océaniques.

Je vais essayer de faire quelque chose dans ce sens.

La plupart du temps, j'ai le sentiment qu'il nous reste tout de même encore beaucoup de chemin à parcourir. »

- Quels sont tes meilleurs souvenirs en France ? »

 

« Oh, la France !

Prendre une photo devant la Tour Eiffel et faire comme si je la tenais, aller au Louvre, faire une visite guidée de Paris en scooter, visiter Notre Dame... haha, non je déconne.

J'ai vraiment apprécié de croiser La Femme à Biarritz et de surfer sur la Côte des Basques, de me faire voler par un pickpocket à Bordeaux, ce qui est plutôt comique avec le recul, et de jouer le concert le plus chaud de ma vie à la Mécanique.  

J'ai vraiment adoré être là-bas.

C'est un pays dont j'ai toujours rêvé.

J'ai même écrit une chanson intitulée « We think France sounds like this » avant même d'y être allé.

 

Merci Matt !

Publié le Dimanche 8 décembre 2024