YENTL TOUBOUL

True Talent
Photo Pierre David

Quel est votre style de film de surf ?

Vous recherchez un casting de stars, des destinations de rêves, des vagues interminables, un surf accessible ou hallucinant, un documentaire qui vous questionne et vous fasse réfléchir...?

Pour nous, un bon film de surf, c'est un peu tout ça.

 Avec, en plus, une attention toute particulière pour l'aspect artistique.

 

Nous pensons sincèrement que filmer le rider du moment avec du matériel dernier cri ne fait pas tout.

Porter un regard singulier, rechercher l'originalité et l'innovation dans la création, penser la réalisation dans sa globalité avec, en particulier, une bande son parfaitement adaptée demeure un must.

C'est ce que nous nous efforçons de valoriser le plus possible dans la programmation de nos Surf Nights.

 

 Yentl Touboul est un photographe et vidéaste indépendant.

Originaire de Guadeloupe, il vit et travaille aujourd'hui à Hossegor.

 

La 1ère fois que nous l'avons croisé, c'était lors de la soirée de sortie d'un numéro de What Youth.

A l'époque, il distribuait le magazine en France avec ses potes de Wasted Talent.

Aujourd'hui, il est devenu l'un des cerveaux de Wasted Talent Mag, un magazine imprimé axé sur le surf, le skateboard, la photographie et les arts.

S'il lui arrive de réaliser des vidéos pour différentes marques de surf, son job principal est de réaliser celles de Wasted Talent et de concevoir ce magazine papier.

 

Fidèle à ses valeurs underground, simple et disponible, sans jamais abandonner son approche artistique, il nous surprend à chaque fois et nous emmène loin des vidéos, pas toujours enthousiasmantes, du surf grand public.

Ces récents voyages l'ont aussi conduit à s'ouvrir à la photographie d'architecture, de scènes de rue et de paysages.

 

Bonne lecture de ce nouveau Focus sur Yentl et bon été.

- Salut Yentl, 

d’où viens-tu et où vis-tu aujourd’hui ?

 

"J’ai grandi en Guadeloupe et c’est là que j’ai commencé à surfer.

Ma première sensation de glisse fut sur une planche à voile sans voile… je devais avoir 10 ans.

Ma mère a ensuite récupéré un thruster 7’0 avec des dérives fixes des années 80 lors d’un déménagement.

Mon premier surf avec était sur le spot du Helleux, le point de départ de la plupart des gens qui commencent à surfer en Guadeloupe.

J’ai directement accroché, malgré le fait que j’habitais assez loin des spots (oui même en Guadeloupe c’est possible).

J’ai passé ma jeunesse à prendre le bus pour aller à Damencourt au Moule, où on se retrouvait avec notre groupe de potes plusieurs fois par semaine.

 

J’ai ensuite déménagé à Bordeaux en 2012, puis à Hossegor en 2016."

Photo Guillem Cruells

En y repensant, toutes les parts d’Ozzie m’ont profondément marqué.

Photo Yentl Touboul

- Quelle a été ta formation et quel est ton background ?

 

"J’ai commencé par la vidéo quand j’avais environ 13 ans .

J’ai dû arrêter le surf pendant plusieurs mois à cause d’une blessure et afin de faire passer le temps, je me suis trouvé une camera Mini DV avec laquelle j’ai commencé à filmer mon groupe de potes.

Pendant un moment, j’éditais des vidéos qu’on sortait via une chaine Vimeo, qui est toujours opérationnelle si tu cherches bien.


Passer par le marketing m’a semblé une porte plus abordable vers ce monde, donc je me suis lancé dans un master en marketing international à Bordeaux.

J’ai continué à faire de la photo et de la vidéo en parallèle.

Je shootais beaucoup mes potes, lors de nos voyages pour aller surfer ou skater.

J’ai beaucoup appris en trainant sur internet et en regardant des tutoriels Youtube…

 

Vers la fin de mes études, j’ai fait un stage chez Desillusion, où j’ai pu rencontrer Robin Pailler qui est devenu un de mes meilleurs amis. 

Il m’a beaucoup appris au niveau vidéo et m’a surtout fait réaliser qu’il était possible d’en faire son métier, sans pour autant avoir fait des études dans le cinéma.

L’année d’après, lors de mon stage de fin d’études chez Wasted Talent, Alex et Ben on vu l’intérêt que je portais à la vidéo et à la photo et il m’ont confié plusieurs shoots assez rapidement.

Je ne les remercierai jamais assez pour m’avoir fait confiance.

On a ensuite décidé de lancer notre propre magazine/agence de production.

Ce fut le moment idéal pour me lancer en freelance et m’y dédier à fond."

Photo Yentl Touboul

- Qu’est-ce que tu aimes le plus photographier et filmer ?

 

"J’ai de la chance de compter dans mon entourage des gens super talentueux.

Erwin, Tito, Gary… tous ont des personnalités uniques et évoluent sans se soucier du regard des autres. 

Ce qui est une source d’inspiration énorme dans mon travail.

Shooter avec des personnes qui sont sur la même longueur d’onde, qu’ils soient surfeurs, skaters, musiciens, artistes... et sentir qu’on s’aide mutuellement, qu’on travaille vers un but commun (dans le cas d’un projet vidéo par exemple), est toujours une super sensation. 

 

Une grande partie de mon travail consiste à réaliser des mini-documentaires sur des surfeurs/skateurs/musiciens/artistes.

La vidéo et la photo sont souvent des moyens d’apprendre à les connaitre et d’entrer dans leur monde.

C’est une partie du travail que j’apprécie particulièrement.

 

J’aime également la photographie documentaire simple sur film noir et blanc.

Visiter des endroits qui me sont inconnus et en garder un souvenir figé est quelque chose que j’adore. 

Je me suis récemment dégoté un agrandisseur et je conseille vraiment à toute personne qui fait de la photo argentique d’essayer.

Pour le couvre feu et les confinements, il n'y a rien de mieux."

- Comment s’est faite ta rencontre avec le crew de Wasted Talent ?

 

"J’ai rencontré Alex (Obolensky) et Ben (Snowden-Boyd) lorsque j’étais en dernière année d’école. 

Je recherchais un stage de fin d’études et ils recherchaient un stagiaire.

On avait déjà plusieurs amis en commun et on a tout de suite connecté quand on s’est rencontré la première fois.

 

Vu de l’extérieur, le monde du surf parait si uniforme, cependant quand on s’y penche, il y a tellement de courants différents et c’est rare de trouver des gens qui sont sur la même longueur d’onde en terme d’influences et vision des choses.

C’est ce qu’il s’est passé avec eux.

À l’époque Wasted Talent n’était pas encore un magazine.

J’ai aidé Alex et Ben à distribuer Epøkhe, Afends et What Youth en Europe dans un premier temps.

La partie qui m’intéressait le plus était la partie média avec What Youth.

Cela nous a inspiré à créer notre propre magazine, afin de donner vie à nos idées.

Photo Yentl Touboul

Je me suis occupé de beaucoup de choses à Wasted Talent au fil des années.

 A commencer par le shop, l’organisation des évènements, la distribution des marques et l’organisation de projets vidéo/photo pour celles-ci.

Puis lorsque l'on a lancé le magazine en 2017, je me suis focalisé sur cette partie.

 

Au début je m’occupais de plusieurs choses: du site internet, des réseaux sociaux, j’éditais des photos, écrivais des articles, organisais des projets et des évènements, en plus de faire de la photo et de la vidéo (ce qui clairement me plaisait le plus).

Actuellement je m’occupe du magazine papier.

Je travaille sur le choix des thèmes et des contenus, l'écriture de certains articles, la mise en page en synchronisation avec George, notre graphic designer…etc.

Cependant, mon travail principal reste la réalisation de projets vidéo (concept, filming/editing) et les photos."

- Boutique, magazine, vidéos, création...c'est quoi Wasted Talent aujourd’hui  ? 

 

"Le team s’est bien élargi depuis mon arrivée en 2016!

Alex et Ben dirigent l’entreprise, Ben s’occupe du côté stratégique, du shop et de Wasted Talent en tant que marque de textile.

Alex est le responsable marketing de Wasted Talent et dirige la partie production média.

Il est à la fois producteur et éditeur en chef du magazine. 

En plus de réaliser certaines de nos vidéos, Robin Pailler, s’occupe à plein temps de la vie du magazine.

Il s’occupe du contenu du site internet, des réseaux sociaux mais il est surtout le fer de lance de la partie skate chez nous.

George Hatton travaille avec nous depuis un peu plus d’un an sur le design du magazine et Vincent Garat est notre web guru à mi-temps.

Oli (Dorn) s’occupe de la partie distribution de Wasted Talent.

On travaille en relation avec plusieurs marques australiennes et américaines (Octopus, Afends, TCSS, Adelio…etc.) et on assure leur distribution en Europe.

Héma est récemment arrivée en stage chez nous et nous épaule sur la partie média et marketing.

On travaille également avec plusieurs collaborateurs réguliers, que ce soit en vidéo avec Guillem Cruells, Pierre David, Douglas Guillot, ou en photo avec Nil Puissant."

Photo Wasted Talent

Vu de l’extérieur le monde du surf parait si uniforme, cependant quand on s’y penche, il y a tellement de courants différents.

- Quels sont tes 3 meilleurs films de surf ?

 

"CREEPY FINGERS: 

 

On a tous eu une vidéo qui nous a marqué lors de nos débuts dans le surf.

Pour moi c’était Creepy Fingers et la partie d’Ozzie.

Ryan Thomas est un visionnaire.

Son dernier full length, Psychic Migrations est aussi incroyable.

En y repensant, toutes les parts d’Ozzie m’ont profondément marqué.

J’ai du regarder sa section dans Doped Youth des centaines de fois (bien qu’elle soit en 240p).

DEAR SUBURBIA:

 

C’est difficile de choisir un film de Kai en particulier.

Modern Collective à été une énorme influence en tant que gamin de 13 ans.

Je pense qu’à l’époque ça a vraiment inspiré un grand nombre d'ados de mon âge qui avaient une bande de potes et des idées en tête. 

En leur montrant que réussir à faire quelque chose de concret et innovant était possible, avec de la motivation et de la créativité.

Cependant si je devais choisir, Dear Suburbia serait certainement le film qui m’a le plus influencé.

En plus du surf incroyable, c’est surtout la forme que je trouve unique.

Que ce soit avec ces longs plans fixes du désert australien, les couleurs désaturées et la bande son hypnotique…

Dear Suburbia ressemble plus à un film qu’au reste des vidéos de surf de l’époque et c’est ce qui m’a marqué.

STRANGE RUMBLINGS:

 

Joe G est une de mes idoles absolues.

J’ai toujours admiré l’originalité de tous ses films (Secret Machine, Year Zero, Electric Blue Heaven, Cult of Freedom…etc.).

Que ce soit dans l’ingéniosité de ses scénarios et son utilisation des caméras qui est toujours impeccable.

J’adore filmer sur pellicule 16mm et ses films sont une grande raison pour laquelle j’ai eu envie d’essayer ce format.

Rencontrer Joe (et réaliser une interview de lui) il y a deux ans reste une expérience inoubliable."

- Quels sont tes morceaux pour aller à l’eau et ceux d’après surf ?

 

"Je n’ai pas trop de "morceaux fétiches" pour aller surfer.

Lors d’un voyage à Berlin il y a trois ans, j’ai trouvé un CD de l’album ‘Quarantine the past’ du groupe PAVEMENT et il n’a pas quitté ma voiture depuis.

Donc par défaut je dirais ça.

N’importe quel morceau de Pavement."

...on est à l’autre bout du monde en train de faire des vidéos de surf et on est quand même sacrément privilégié.

- Quel est ton meilleur et ton pire souvenir de trip ?

 

"Dur à choisir un trip en particulier.

Le trip Eurothrash reste un souvenir inoubliable.

On venait tout juste de créer Wasted Talent Magazine et avec Volcom, nous avons organisé un road trip de 15 jours en partant du Portugal à Hossegor, avec leur team Europe ainsi que Noa Deane et Ryan Burch.

Au moment de partir, le forecast annonçait plus ou moins 15 jours de flat, avec possiblement un bon jour de surf au Portugal.

Ce jour a fini par être une des meilleures journées de surf auxquelles j’ai pu assister.

De Coxos, en passant par Cave et une autre gauche pas loin des deux, tous les spots autour d’Ericeira étaient parfaits les uns après les autres et on a filmé la moitié du film en moins de 24 heures.

On formait un gros convoi avec plusieurs vans (le notre était conduit par l’unique Tom Carey) et l’énergie était juste incroyable.

 

Pour ce qui est du pire…

J’ai rarement eu de mauvaises expériences lors de trips.

Le pire a été de me faire escroquer 400€, de me faire déposer au milieu de Moscou en pleine nuit par un faux taxi et ce sans internet.

C’était peu plaisant, cela n'a duré que quelques heures et ça reste du matériel.

Je me suis déjà retrouvé sans un clip après avoir organisé un trip de deux semaines.

Mais malgré la frustration que ce genre d'expériences peut amener, avec un peu de recul il est facile de réaliser qu’on est à l’autre bout du monde en train de faire des vidéos de surf et qu’on est quand même sacrément privilégié.

Je suis éternellement reconnaissant envers l'univers du surf et du skate d'avoir la chance de vivre ces expériences et d’en faire mon métier."

- Quelles surfeuses, surfeurs, photographes, réalisateurs, artistes...admires-tu ?

 

"Mes amis par dessus tout!

Tito Lavole, qui est un de mes surfeurs préférés, en plus d’être un artiste et musicien incroyable.

Erwin Bliss, qui est vraiment talentueux dans le shape et qui a une approche unique du surf.

Sinon la liste est longue: Joe G, Pontus Alv, Kai Neville, Robin Pailler, Pierre David, Douglas Guillot, Matt Payne, Tyrone et Frank Lebone, Jack Whitefield, Duncan Macfarlane, Frank Ockenfels, Quentin de Briey, Benjamin Deberdt… pour citer quelques noms.

Pour ce qui est du surf, Creed McTaggart, Craig Anderson, Ben Howard, Noa Deane, Ozzie…"

- Sur quels projets travailles-tu actuellement et penses-tu réaliser un long métrage un jour ?

 

"Je travaille sur plusieurs vidéos Wasted Talent en ce moment.

Une filmée aux Iles Canaries avec Erwin Bliss et Hector Menendez et un autre en Guadeloupe avec Issam Auptel.

 

Je suis également en train de monter un projet perso que j’avais commencé à filmer en Australie et en Indonésie avec Tito Lavole, Jai Walsh, Benjamin Howard et d’autres potes.

Le but était de retourner filmer en Australie pour compléter la vidéo.

Mais c’était avant que la pandémie prenne possession de nos vies.

 Avec les projets qui s’enchainent en Europe, ça a été assez dur de trouver le temps de monter tout cela.

En espérant avoir fini cet été et pouvoir peut-être réaliser une petite projection, si la situation le permet.

Photo Noah Collins

Pour répondre à la seconde partie de ta question, réaliser un "long métrage", ou du moins une vidéo long format, est un rêve pour la plupart des jeunes réalisateurs.

 

J'ai grandi à une période qui était l’âge d’or des vidéos de surf long format.

Cela a personnellement eu une influence énorme sur mon approche du surf, mais aussi sur ma vie personnelle et le parcours que j’ai pris.

Cependant avec l’influence toujours grandissante des réseaux sociaux, la culture de l’instantanéité, de l’information consommable en un rien de temps et la diminution des budgets dans l’industrie core du surf, il semble de plus en plus difficile de pouvoir financer des projets à cette échelle.

Mais qui sait, peut être que l’opportunité se présentera dans les années qui viennent.

Je l’espère."

Publié le Dimanche 6 juin 2021